Stifled est le premier jeu de Gattai Games, un tout petit studio basé à Singapour, et le projet se montre assez ambitieux et original. Mais est-il si original que ça ? Je serais d'abord tenté de répondre non, car il utilise des ficelles déjà employées ailleurs. Le monochrome dans l'audacieux White Night, le sonar dans le curieux (et tout aussi noir et blanc) The Unfinished Swan et le microphone et ses commandes vocales dans le très tactique EndWar d'Ubisoft. Mais en y réfléchissant bien, ce qui pourrait faire pencher la balance en faveur du oui, ce serait le fait que tout ces éléments soient réunis sous le même étendard, celui d'un jeu d'horreur, qui va même venir ajouter une étiquette supplémentaire au bousin : celle de la réalité virtuelle.

Frankengame

Très vite, on attaque donc l'aventure dans la peau d'un homme, probablement un ancien militaire, dans sa maison, à la poursuite d'images de sa femme qui semblent sans cesse le fuir. On se rend compte très rapidement qu'il y a un problème, mais on ne sait pas lequel. Serait-ce lié à tout ces documents traitant d'une future parentalité que l'on trouve un peu partout ? Que s'est-il passé ? C'est ce que l'on va tenter de découvrir au fil des quatre niveaux principaux du jeu, entrecoupés de flashbacks où l'on revient dans la maison, dans cette histoire nébuleuse au possible, contée par différents documents à ramasser au sol - j'ai tout ramassé pendant ma première partie - et ou la vérité ne sera connue qu'à la fin, après deux-trois heures. C'est assez court, puisque vous n'aurez qu'une grosse dizaine de puzzles d'infiltration à boucler pour en voir le bout, avec uniquement trois ennemis différents et un boss, dans des niveaux qui se ressemblent malheureusement tous au final, que ce soit les égouts, la cave de l'orphelinat ou les entrailles d'un bateau. Si l'histoire est assez intéressante, on ne pourra que regretter cette répétition dans les décors, surtout qu'il y avait de l'idée à la base.

Un peu la façon d'un Silent Hill, les environnements que nous allons êtres amenés à visiter vont offrir deux visages : un premier, "normal" et en couleurs, et le second, plongé dans le noir avec notre seul pouvoir de sonar pour ami. Si le premier est assez classique, même en réalité virtuelle, le deuxième est artistiquement parlant bien plus intéressant. Une fois plongé dans vos cauchemars, tout est noir ! Vous ne voyez plus que les contours des objets au grès des sons qui vous entourent, un peu comme du cel-shading entièrement en noir et blanc, avec quelques touches de rouge pour symboliser le danger. Puisqu'un joli dessin vaut parfois mieux que de longues explications, voici ce que ça donne dans une petite animation maison, avec d'abord un cri puis un jet de pierre :

C'est vraiment très classe, même si, comme nous allons le voir un peu plus loin, question jouabilité, cela ne va pas être la panacée.

Dans cet espace, on va vous entendre crier.

En effet, dans cet univers sombre au possible, au-delà de ses graphismes détonants de simplicité, c'est surtout le fait d'être quasiment aveugle et de de devoir utiliser le son de sa voix comme un sonar pour découvrir l'environnement qui nous entoure qui innove véritablement. Pourquoi détenons-nous ce pouvoir ? Sommes-nous Steve Austin, l'homme qui valait 3 milliards ? Si aucune explication n'est donnée, c'est bel et bien avec cette capacité qu'il faudra avancer. Et autant vous dire que ce ne sera pas simple : vous êtes totalement désarmé et le seul moyen de s'en sortir sera de s'enfuir tout en se faisant le plus discret possible. Sauf qu'en émettant des sons pour révéler les alentours, vous attirez les monstres vers vous. Cruel dilemme ! Il faudra donc faire bien attention à ne pas crier de surprise une fois un ennemi sur vos traces, sous peine de goûter à un fort déplaisant game over. Et avoir le réflexe de jeter des objets au loin pour les tenir à distance. Malheureusement, cette mécanique tourne très vite court, et ce, pour plusieurs raisons.

La première est évidente : passé les premiers affrontements, on s'habitue très vite. La peur s'estompe. On ne hurle plus et on avance de façon plutôt mécanique. Aussi, le fait de devoir parler dans le micro va très vite montrer ses limites : au début on chante, comme un idiot dans son salon, pour faire apparaître le décor, mais on se lasse assez vite, pour finalement se contenter de jeter des cailloux - qui font du bruit en retombant - ou d'une simple pression sur une des gâchettes qui fera parler notre héros plus ou moins fort selon le temps que l'on appuiera dessus. Aussi, on ne pourra pas jouer dans un environnement sonore pollué - travaux chez le voisin ou enfants qui jouent dans le salon - sous peine de subir de cuisants échecs, et il faudra aussi penser à ces mêmes voisins et marmots qui auront bien besoin de repos si jamais vous choisissez de jouer la nuit. Autant de raisons qui font qu'au final, on arrête très vite de se servir de cette fonctionnalité, qui était pourtant la pierre angulaire de Stifled. Et s'il sera bel et bien possible de jouer au jeu sans casque VR, il faudra noter qu'il perd alors une grande partie de son intérêt en devenant un simulateur de marche ou l'on ne peut pas courir, la réalité virtuelle participant grandement à l'immersion et l'effroi que l'on pourra ressentir. Un bilan bien mitigé donc, puisque si le concept était alléchant sur le papier, la jouabilité se montre au finale assez bancale.